1990-2019 Les joueurs québécois repêchés
Auteur: Gilles Savard, 2020-04-17
Les joueurs Québécois - 1990-2019
Nous entendons souvent que le Canadien de Montréal (CH) ne repêche pas assez de québécois. Une foule de raisons sont invoquées :
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Trevor Timmins n’aime pas les québécois.
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Il n’y a pas assez de recruteurs pour le Québec.
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Les joueurs québécois ne veulent pas venir jouer à Montréal.
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Le CH est allergique aux joueurs québécois.
Dans cette analyse, je chercherai à séparer les mythes de la réalité. Mais en introduction, il est essentiel de préciser que définir ce qu’est un joueur québécois est plus complexe que cela peut en avoir l’air.
1) Les sites comme HockeyDB, Hockey Reference et QuantHockey fonctionnent avec la nationalité officielle des joueurs, donc nos québécois sont des canadiens. Il faut donc analyser chaque joueur afin de définir s’il s’agit vraiment d’un joueur du Québec.
2) Plusieurs joueurs non canadiens jouent dans la LHMJQ (russes, tchèques, slovaques, suisses, etc.). Ils sont de facto éliminer.
3) Plusieurs joueurs québécois sont nés hors du Canada ou ailleurs au Canada. Il faut analyser chaque joueur et tenter le mieux possible de classifier ce joueur adéquatement.
4) Plusieurs joueurs québécois ont fait une grande partie de leur cursus hockey ailleurs au Canada ou aux USA. C’est du cas par cas.
5) La langue parlée n’était pas un critère.
J’ai analysé des centaines de joueurs et tenter de les classer le mieux possible. Est-ce parfait? Sûrement pas, mais je ne crois pas que ce soit statistiquement significatif pour la présente analyse.
Durant les trois décennies de 1990 à 2019, il y a eu 540 joueurs québécois repêchés sur un total de 7255 joueurs, un pourcentage de 7,44% de joueurs québécois repêchés.
1) Nombre de joueurs repêchés par décennie et par pays
Commençons par une analyse sur trois décennies. Les joueurs repêchés par chaque grand pays de hockey et leur progression sur trois décennies :
Tableau #1 – Comparatif – Nombre de joueurs repêchés par décennie et par pays
Sans surprise, nous voyons que le hockey canadien et québécois sont largement en perte de vitesse. Chose surprenante, les pays autres comme la République Tchèque, Suisse, Allemagne, etc. sont très en perte de vitesse aussi. Les grands gagnants sont, sans surprise, la Suède, la Finlande et les USA. La Suède survole le groupe littéralement.
La Russie est un cas particulier, la venue de la KHL et la difficulté d’amener les joueurs russes dans la LNH ont fait en sorte que les équipes repêchent les joueurs russes avec prudence. Ils ont besoin d’un bon niveau de certitude avant de repêcher des joueurs russes.
Nous pouvons remarquer que le Québec est passé de 235 joueurs pour la décennie 1990-1999 à 132 joueurs pour la décennie 2010-2019. C’est une baisse de 103 joueurs (-43,8%), ce qui n’est pas négligeable. Nous tenterons de voir les raisons et les solutions plus tard dans l’analyse.
Même si les autres régions du Canada et le Québec partage la même approche de développement à l’égard des jeunes joueurs, nous voyons que le Canada s’en tire passablement mieux. Nous tenterons de décrire certaines raisons plus tard dans l’analyse.
2) Taux de réussite pour le Québec versus les autres grands pays
Nous tenterons de définir le taux de réussite pour les joueurs repêchés entre 1990 et 2019. Une réussite sera calculée avec la approches suivantes :
1) Tous les gardiens qui ont joué 50 parties.
2) Tous les joueurs non-gardiens qui ont joué plus de 122 parties (1 ½ année) entre les années 1990-2013.
3) Tous les joueurs non-gardiens qui ont joué plus de 79 parties pour l’année 2014.
4) Tous les joueurs non-gardiens qui ont joué plus de 59 parties pour l’année 2015.
5) Tous les joueurs non-gardiens qui ont joué plus de 39 parties pour l’année 2016.
6) Tous les joueurs non-gardiens qui ont joué plus de 19 parties pour l’année 2017.
7) Les joueurs de 2017 et 2018 ne donnent aucun résultat. Ce sont des choix au repêchage trop récent.
Tableau #2 - comparatif pour tous les grands pays pour les années 1990-2017
Pour voir le détail de tous les grands pays de hockey, cliquer sur ce lien -->
Le Québec se positionne au rang #4, presque à égalité statistiques avec les USA. La Suède fait cavalier seul. Le Canada s’en tire mieux que le Québec.
Nous approfondirons les choix du Québec, et ce, pour chaque année depuis 1990 dans le prochain tableau. De plus, nous décrirons les joueurs qui ont atteint la cible attendue pour que ce choix soit considéré un succès. Le détail des autres équipes sera présenté sur une autre page afin de simplifier la présentation.
À ce stade, nous réalisons que de moins en moins de joueurs du Québec se font repêcher et que le taux de succès est en deçà de la moyenne qui est de 23,5%
2a) Joueurs repêchés du Québec depuis 1990
Combien de joueurs du Québec se font repêcher depuis 1990 et combien d’entre eux ont joué plus de 122 parties (1 ½ année). Cependant, après l’année 2013, je pondère le nombre de parties jouées exigées.
Tableau #3 – Joueurs québécois repêchés annuellement depuis 1990
Il m’apparaît intéressant de noter que sur les 540 joueurs repêchés, 84 étaient des gardiens de but (Merci Patrick Roy). Donc, 15,6% étaient des gardiens de but. Pour être juste envers les gardiens, tout gardien qui a joué au moins 50 parties fait partie du tableau #3.
2b) Certains constats
1) La dernière fois qu’il y a au plus de 20 joueurs québécois repêchés est 2013 (6 ans). Depuis cette année, la tendance est d’environ 12 joueurs repêchés par année.
2) Les gardiens québécois sont sur-représentés. Pour les 3 dernières décennies, 10.4% des joueurs repêchés ont été des gardiens de but pour l’ensemble des pays. Au Québec, 15,6%.
3) Joueurs québécois repêchés par le CH versus les autres équipes
Nous comparerons pour les trois dernières décennies le nombre de joueurs québécois repêchés par l’ensemble des équipes en mettant l’emphase sur la performance du CH.
Tableau #4 – Joueurs repêchés annuellement par les équipes pour la décennie 1990
Tableau #5 – Joueurs repêchés annuellement par les équipes pour la décennie 2000
Tableau #6 – Joueurs repêchés annuellement par les équipes pour la décennie 2010
Tableau #7 – Variation des joueurs repêchés sur trois décennies
3a) Quelques constats
1) Le CH a été l’équipe qui a repêché le plus de joueurs québécois pour les décennies 1990 et 2000. Ils ont été deuxième pour la décennie 2010.
2) Pour l’aspect qualitatif des choix au repêchage, nous pouvons constater que le CH a obtenu les rangs suivants : 1990 = #17;
2000 = #17; 2010 = #25. Il se tenait dans la moyenne pour les deux premières décennies et dans le dernier tiers pour la décennie 2010.
3) Les équipes qui ont repêché le plus de joueurs québécois sur les trois décennies sont : Montréal = 49; Philadelphie = 29 joueurs; Ottawa = 25 joueurs; Edmonton = 24 joueurs; New-Jersey = 22 joueurs; Buffalo = 21 joueurs; Pittsburgh et St-Louis = 20 joueurs.
4) Le tableau #7 montre que le nombre de choix québécois au repêchage a baissé drastiquement pour les trois décennies analysées. L’ensemble des équipes ont repêché 44,1% moins de joueurs québécois sur trois décennies. Le CH a fait mieux, il a repêché 69,2% moins de joueurs québécois.
5) Statistiquement parlant, il va de soi que plus une équipe repêche de joueurs, et plus la qualité de ses choix sera moyenne, car il y a plus de choix de ronde au-dessus de la ronde #3. Cette situation défavorise le CH lorsque vient d’analyser la qualité des choix au repêchage. Dans le tableau #8, nous décrirons quels ont été les joueurs sélectionnés dans les trois premières rondes des équipes qui avaient obtenu la meilleure moyenne (voir le point #3 dans le paragraphe précédent) quant à la qualité de leurs choix au repêchage. Les joueurs dont la police de caractère est plus foncée représentent les grands succès.
Tableau #8 – Les équipes avec le plus de joueurs repêchés sur trois décennies et la qualité de leurs choix au repêchage.
Nous pouvons constater dans le tableau précédent (#8) que les équipes qui ont repêché plus de 20 joueurs québécois sur trois décennies ont leur lot d’insuccès. Les plus beaux coups de circuit proviennent de New-Jersey (Brodeur), Pittsburgh (Fleury, Letang) et Philadelphie (Giroux, Couturier). Edmonton a été l’équipe avec le moins de succès avec les joueurs québécois, suivi par St-Louis.
4) Conclusion
4a) La situation du hockey canadien et québécois dans le hockey d’aujourd’hui
Nous avons constaté que le hockey canadien est en perte de vitesse depuis les trois dernières décennies. En outre, même si le hockey canadien est en perte de vitesse, le hockey québécois vit une situation encore pire. Quelles en sont les causes?
Pour plusieurs amateurs canadiens, le hockey canadien se porte très bien. Ils se disent que nos équipes élites qui participent aux compétitions internationales sont toujours compétitives et remportent souvent la médaille d’or. Cela représente l’arbre qui cache la forêt.
Le hockey canadien a la plus grosse fédération et c’est encore au Canada qu’il y a le plus de joueurs (entre 600k et 800 000). C’est donc tout à fait normal, qu’avec autant de joueurs, qu’il ait toujours 25 joueurs exceptionnels. Cela ne changera pas. Il y a tout lieu de croire que le hockey canadien continuera d’être très bon dans les compétitions internationales. La question est : Pourquoi le Canada et le Québec réussissent de moins en moins à faire repêcher leurs jeunes joueurs?
Des pays comme la Suède, la Finlande et les USA réussissent mieux que le hockey canadien et québécois depuis 20 ans, les statistiques le prouvent. Cela se vérifie autant pour le nombre de joueurs qui est en croissance que le taux de succès obtenu par les joueurs repêchés. Dans le tableau #2, nous voyons que la Suède a un taux de succès de 27,1%, le Canada de 26,2% et le Québec à la traîne à 22,9%.
Plusieurs pistes ont été soulevées pour tenter d’expliquer les résultats décroissants du hockey canadien et québécois. En voici quelques-unes :
1) La structure du hockey canadien est obsolète et ne correspond plus aux nouvelles approches pour développer les joueurs élites.
2) Il y a trop d’équipes de niveau junior et le talent est dilué. Les joueurs n’affrontent pas un niveau de compétition assez relevé.
3) Les équipes juniors jouent trop de parties et ne sont pas assez orientées vers le développement des joueurs.
4) Cela coûte de plus en plus cher jouer au hockey et de plus en plus de parents n’ont pas les moyens financiers pour supporter leurs jeunes.
5) L’offre sportive est de plus en plus abondante et plusieurs jeunes priorisent les autres sports.
6) Plusieurs parents n’aiment pas la culture axée sur l’agressivité et ne pousse pas leurs jeunes vers ce sport.
7) Le hockey junior canadien est une industrie et les propriétaires sont là pour l’argent et non pas pour développer les jeunes joueurs.
8) Les dirigeants du hockey canadien et québécois se contentent de peu. En autant qu’il gagne la médaille d’or, le reste compte peu.
9) Il y a de plus en plus de joueurs internationaux de disponible. Ces derniers deviennent de véritables challengers.
10) Les programmes de développement américains et européens ont innové à l’égard du développement de leurs joueurs élites.
Bien que toutes ces pistes aient du vrai, nous tenterons diagnostiquer les causes profondes plutôt que les causes secondaires. C’est vrai que le hockey coûte de plus en plus cher, que plusieurs parents n’aiment pas la culture de ce sport et que l’offre sportive est de plus en plus vaste. Mais cette réalité est aussi une réalité des autres pays (Finlande, Suède et USA), pourtant leurs programmes de hockey est en croissance depuis 30 ans.
Le fait qu’il y a plus de joueurs de talent provenant des USA et de l’Europe, couplé avec le fait que les programmes de développement des joueurs élites sont vraiment performants sont probablement les raisons premières qui font qu’il y a moins de joueurs canadiens de repêcher. Cependant, cette réalité n’explique pas tout l’écart. Le nombre de joueurs finlandais et suédois qui jouent au hockey n’a quand même pas explosé. Donc, il reste la qualité des programmes de développement des jeunes joueurs de hockey. Il faut considérer que c’est la première cause du succès des joueurs de la Suède, de la Finlande et des USA, leur programme de développement est plus approprié au hockey d’aujourd’hui.
La culture du hockey canadien est bien ancrée dans sa réalité rurale, ce qui a fait la force du hockey canadien est en train de lui nuire. Tout part de l’histoire du hockey canadien. Chaque ville, petite ou grande, veut une équipe de hockey. Le hockey est souvent la fierté de la ville, dès qu’un joueur a du succès, il devient la gloire locale.
La conséquence de cette culture a maintenant un revers, il faut maintenir de plus en plus d’équipes de niveau junior, mais il n’y a plus suffisamment de bons joueurs pour permettent de maintenir un niveau de compétition très relevé. De là, l’arrivée des joueurs européens dans les différentes ligues de hockey junior au Canada.
Comme maintenir une équipe de hockey junior coûte cher et que les propriétaires ne sont pas là pour perdre de l’argent, les équipes se déplacent beaucoup et jouent plusieurs parties dans l’année. Donc les jeunes joueurs jouent beaucoup de parties dans un calibre de jeu de moins en moins compétitif.
En outre, des règles ou ententes légales défavorisent les joueurs canadiens et québécois. Pour protéger les équipes canadiennes de niveau junior, la LNH et le hockey junior canadien ont une entente qui fait en sorte que les jeunes joueurs d’âge junior doivent retourner jouer dans au niveau junior s’ils ne réussissent pas à jouer dans la LNH. Donc, les meilleurs jeunes joueurs canadiens et québécois continuent de jouer entre gamins tandis que pour les meilleurs suédois, finlandais et américains, eux ils jouent contre des joueurs qui sont plus vieux et plus matures physiquement. De plus, les équipes de la LNH n’ont que deux ans pour signer les joueurs canadiens tandis qu’ils ont quatre ans pour signer les européens (aucune limite pour les russes).
Donc, tout est fait pour favoriser les équipes canadiennes de niveau junior au détriment des joueurs. Ne soyons pas surpris que les équipes de la LNH gèrent leurs risques. S’ils ont le choix entre deux joueurs qui leur semblent des prospects lointains, ils n’hésiteront pas à prendre le joueur qui leur offre quatre années avant de le signer.
Que faire. Personnellement, j’adorerais voir une ligue sérieuse de hockey universitaire qui pourrait jouer un championnat nord-américain avec la NCAA. Un projet qui prendra plusieurs décennies avant qu’il voie le jour. Il y a trop d’intérêts en jeu pour que cette solution soit envisageable à court terme.
La structure du hockey canadien ne changera pas de sitôt. L’histoire du hockey au Canada prend ses racines dans les petites villes québécoises et canadiennes. Les intérêts des villes et des propriétaires rendent des changements drastiques illusoires.
Le premier changement qui devrait avoir lieu consiste à modifier l’entente entre le hockey junior canadien et la LNH. Il faut que les équipes de la LNH ait quatre ans pour signer les joueurs canadiens. Les joueurs de plus de 20 ans devront se trouver un club professionnel. Les équipes de la LNH ont presque tous une équipe affiliée dans l’ECHL, ce serait une avenue pour les équipes professionnelles et les joueurs repêchés.
Le second changement est qu’une fois qu’un joueur est repêché, le joueur puisse jouer dans les filiales de l’équipe qui l’a repêché. Donc en finir avec l’obligation de retourner le jeune à son équipe de niveau junior.
Le lecteur averti dira, oui mais cela diminuera encore plus le niveau de compétition du hockey junior canadien. Oui, mais c’est le prix à payer pour que les meilleurs jeunes jouent contre un niveau de compétitivité plus relevé. Des ententes financières entre les équipes juniors et la LNH pourraient aider les équipes de niveau junior.
4b) La situation du hockey québécois dans le hockey d’aujourd’hui
Le hockey junior québécois gagne régulièrement la coupe Memorial, pourtant ses joueurs sont de moins en moins repêchés. Pourquoi?
Depuis, les six derniers repêchages, le Québec fait repêcher autour de 12 joueurs par année, c’est très peu. Il semble que les dirigeants du hockey québécois se contentent de bien peu. Comparons avec la Suède.
Le Québec a une population de 8.5 millions de personnes et autour de 100 000 joueurs de hockey tandis que la Suède a une population de 10.1 millions de personnes et autour de 55 000 joueurs de hockey. La Suède a fait repêcher en moyenne 26 joueurs par année de repêchage depuis les six dernières années. 12 joueurs pour le Québec contre 26 joueurs pour la Suède. Allo Houston, nous avons un problème.
Au Québec, pour les dirigeants du hockey, en autant, que leurs équipes soient en santé financière, le reste semble peu prioritaire. Nous entendons le commissaire du hockey junior québécois affirmer sa grande joie lorsqu’il y a deux ou trois choix de première ronde provenant de la LHJMQ, souvent ce ne sont pas des québécois, mais des joueurs européens ou de l’est du Canada. Il ne faudra pas compter sur les dirigeants du hockey junior québécois pour rehausser le succès de nos jeunes joueurs québécois. Que faire?
Les équipes de la LNH ont l’air de se dire (CH inclus), pourquoi repêcher des joueurs québécois, de toute façon nous pourrons les signer comme agent libre.
Je ne suis pas trop optimiste pour la croissance du nombre de joueurs québécois repêchés pour les prochaines années. Le statu quo est là pour rester encore plusieurs années.
Ça prendra, si c’est encore possible, des états généraux du hockey au Québec. Le gouvernement, appuyé par la fédération de hockey québécoise, les ligues universitaires et certains chercheurs universitaires pourraient mettre en place un plan stratégique sur 10 ans afin de rejoindre la Suède et devenir un leader.
C’est un vœu pieux, les gouvernements n’ont jamais si peu prioriser le sport en général. Voici quelques années, il y avait un ministre des sports dédié, maintenant il fait partie du ministère de l’éducation. Cela en dit long.
J’aurais goût de dire à un jeune joueur de hockey du Québec. À moins qu’il ait un talent hors de tout doute (première ronde assuré), de choisir un autre chemin que le hockey junior québécois. Il reste le hockey universitaire canadien ou américain. Où même aller jouer son junior ailleurs au Canada. Triste conclusion qui me chagrine.
4c) Les joueurs québécois et le CH
Nous avons vu dans les tableaux #4, #5 et #6 que le CH est toujours l’équipe qui repêche le plus de québécois, et de loin. Il a terminé premier pour les décennies 1990 et 2000, et deuxième pour la décennie 2010. Il est passé de 26 joueurs pour la décennie 1990 à 8 joueurs pour la décennie 2000. Cela représente une décroissance de 69,2% (tableau #7). Quelles sont les raisons?
Plusieurs raisons ont été soulevées, nous tenterons de répondre à plusieurs de celles-ci.
Raison #1 : Trevor Timmins et Marc Bergevin n’aiment pas les joueurs québécois
Impossible de répondre objectivement à cela. Cependant, cela semble loufoque qu’une organisation se priverait de très bons joueurs locaux.
Raison #2 : Les joueurs québécois ne veulent pas jouer à Montréal
Difficile d’argumenter objectivement, est-ce vraiment le cas? Je serais porté à dire que c’est plausible et que certains joueurs via leur agent s’assurent de faire savoir au CH qu’ils ne veulent pas jouer à Montréal. Est-ce des cas isolés ou généralisé? Nul ne le sait.
Raison #3 : Le CH n’a pas assez de recruteurs au Québec
Il y a une moyenne de 12 joueurs repêchés depuis 6 ans, ce n’est pas comme si 150 joueurs intéressants étaient à suivre. Tous les joueurs du Québec sont probablement répertoriés et fichés dès leur parcours de niveau « midget ». Chaque joueur intéressant est probablement vu des dizaines de fois par les recruteurs du CH. Il n’y a plus de joueurs cachés comme dans le temps de Sam Pollock, toute les équipes connaissent les bons joueurs du Québec. Je doute que rajouter plus de recruteurs changeraient quoi que ce soit, le nombre de bons joueurs est trop faible et tous les joueurs sont visibles et connus. Une équipe professionnelle est mieux d’investir sur l’Europe où il doit y avoir encore des joueurs cachés. Certains pays d’Europe sont peu couverts par les recruteurs (ex. : La Slovénie). Il veut la peine d’aller fouiller dans ces coins pour se créer un avantage sur les autres équipes. C’est un peu comme cela que le CH a trouvé Romanov.
Raison #4 : L’obligation de faire signer un contrat deux ans après le repêchage défavorise les joueurs du Québec
Nous avons déjà fortement abordé cette question. C’est sûrement une des raisons principales pourquoi les équipes professionnelles et le CH repêchent de moins en moins de joueurs du Québec. Ils se disent, pas besoin de les repêcher, à part la douzaine de joueurs intéressants, ils seront tous d’éventuels agents libres (ex. : Teadale, Alain, etc.).
Raison #5 : Les joueurs québécois ne jouent pas dans un milieu assez compétitif. Les équipes professionnelles sont obligés de laisser les joueurs québécois jouer entre gamin jusqu’à l’âge de 20 ans.
L’obligation de retourner un joueur junior à son équipe s’il ne fait pas la LNH est de plus en plus désavantageux pour les joueurs québécois et canadiens. Le CH pourrait prendre plus de risques s’il pouvait repêcher un jeune joueur et l’envoyer directement dans l’AHL ou l’ECHL pour améliorer son jeu. Rappelons-nous que les meilleurs jeunes européens jouent dans les équipes de première division dès l’âge de 18 ans (ex. : Ylonen, Romanov, etc.).
Raison #6 : Les recruteurs du CH ne réussissent pas à vendre les joueurs du Québec à la direction
Il y beaucoup de politique dans un repêchage. Les recruteurs tirent la couverture de leur bord et certains doivent avoir de grande gueule. J’imagine que chaque région couverte a un recruteur-chef et que ces derniers ont tous des qualités différentes pour la persuasion et la vente.
Je ne sais pas, pour le CH, s’il y a un recruteur-chef pour le Québec ou un pour l’ensemble du Canada. C’est certain que l’organigramme mis en place pour le CH peut avoir une influence démesurée sur le choix des joueurs. Si le Québec n’est pas fortement représenté à la table des recruteurs-chef, les joueurs québécois n’auront aucun porte-parole pour pousser les joueurs d’ici. Mon intuition me dit que c’est la première place que j’irais voir. Les journalistes devraient tenter de connaître l’organigramme détaillé de l’équipe de recrutement du CH.
Raison #7 : Les recruteurs du CH ne sont pas talentueux et évaluent mal les joueurs québécois
Trevor Timmins est arrivé en 2003, il a donc un historique. Nous pourrons analyser les joueurs québécois repêchés qui ont eu beaucoup de succès.
Tableau #9 – Joueurs québécois repêchés annuellement depuis 2003
Trevor Timmins a été le patron du recrutement pour les 17 derniers repêchages. Ses recruteurs ont vraiment manqué deux joueurs québécois de grand talent. En 2003 et 2006, le CH s’est fourvoyé dramatiquement. En 2006, il est difficile de justifier d’avoir repêcher Fisher au lieu de Giroux. Fisher n’avait aucun historique au moment de l’année du repêchage. La seule raison plausible est que Giroux ne voulait pas jouer à Montréal, mais cela nous ne le saurons jamais.
En 2003, le choix de Cory Urquhart se défend un peu plus, il jouait au Québec et avait des statistiques valables. Mais ce fût tout de même une mauvaise évaluation du talent de ces joueurs. Je me doute, que le recruteur en poste durant ces années ne doit plus être avec le CH.
En conclusion, tout n’est pas gris et le CH n’a manqué son coup si souvent avec les joueurs québécois depuis 2003. Certains joueurs étaient vus comme des vedettes potentielles (Leblanc, Esposito, etc.) et se sont avérés des fiascos. Le CH ne doit jamais courir après un joueur québécois. Si le joueur est supposé sortir au 40ième rang, il ne sert à rien de tenter de le repêcher au rang #25.
Le fait que le CH repêche moins de joueurs québécois est dû à la conjoncture du hockey au Québec, à la règlementation du hockey canadien versus la LNH, à l’abondance de joueurs européens et sûrement en partie à la stratégie du CH. Est-ce que le CH a mis en place un modèle qui permet de maximiser le repêchage des joueurs québécois? Cela reste à confirmer.
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